Yann-Erik Bourgeois, investisseur et explorateur des possibles

1. Comment te définis-tu quand tu rencontres une nouvelle personne ?

 Explorare en latin, ça veut dire « porter la lumière». Du coup, j’aime bien dire que je fais de l’exploration d’avenir.


2. Quelles étaient tes passions enfant ? Adulte ? 

La nature, la musique, l’espace, l’humain. J’ai les mêmes passions qu’enfant mais je concède que j’ai laissé tomber les legos 🙂


3. Pour quelles raisons as-tu créé Les Constellations ? 

Parce qu’il y avait besoin d’une structure qui me permette de financer mes recherches de manière autonome et libre, sans pression financière.


4. Tu as adopté une approche pluridisciplinaire. Notre modèle sociétal est aujourd’hui basé sur la spécialisation, quels sont les avantages à adopter une approche pluridisciplinaire pour résoudre les défis du 21ème siècle ?

Pour répondre, je reprendrais l’aphorisme d’Aristote repris par Pascal selon lequel « le tout vaut plus que la somme des parties ». Ce monde est inintelligible pour nos esprits humains. La science répond parfois au « Comment » mais jamais au « Pourquoi ». Autrement dit, nous pouvons trouver quelques explications à certains mécanismes, mais pour tenter de comprendre les mystères de la vie, il faut prendre les choses dans son ensemble.
D’autre part, nous avons effectivement un apprentissage scolaire par la spécialisation, alors que le cerveau humain fonctionne par association. La pluridisciplinarité est un moyen de sortir des sentiers battus et de repousser les limites de notre champs de perception. C’est ça l’exploration.

4. Comment être optimiste dans le contexte actuel où tout nous indique un effondrement ( cf. Tu parles de crise climatique, de collapsologie, de montée des extrêmes dans tes interventions) ?

Si notre humanité est mise à l’épreuve de notre partie la plus sombre, il nous appartient de mettre en commun ce que nous sommes de meilleur. Ainsi, même l’obscurité la plus profonde ne peut venir à bout de la moindre étincelle.

5. Quels sont les outils concrets pour changer notre modèle mental ?

La psychanalyse, la méditation, le travail sur soi, pour ne pas laisser nos émotions, nos traumatismes et notre histoire interférer dans nos comportements. Il faut agir en conscience et non en émotion. Lorsque nous avons résolu nos peurs alors nous pouvons aimer vraiment.

6. Est-ce que tu penses que tout le monde veut changer son modèle mental ?

Après tout une approche égoïste pourrait être de dire, profitons tant qu’il est encore temps ! Oui nos émotions nous poussent à agir de cette manière. Le cerveau reptilien (survie) veut un maximum d’énergie et en dépenser le moins possible. La drogue, la boulimie, la sexualité instantanée, la recherche de plaisir (et non de bonheur), l’égoïsme, le racisme, l’avidité… sont des manifestations de cette envie reptilienne. Mais lorsqu’on ne contente que cette partie, c’est au détriment des autres, on ne progresse pas et nous sommes malheureux. Le bonheur est un équilibre entre le plaisir et le sens que nous donnons à notre vie.


7. Peux-tu revenir sur la définition de l’homo-spiritualis ? Est-ce que tu as rencontré des communautés qui ont réussi à instaurer cet homo-spiritualis ? 

Homo Sapiens est mû par une peur de mourir alors qu’Homo Spiritualis progresse dans l’amour de la vie. Ça n’a l’air de rien mais c’est la même différence qu’entre marcher à reculons en ayant peur et marcher en avant avec enthousiasme. Ceux qui ont intégré ce principe, parmi ceux que j’ai rencontré, sont plutôt des sujets isolés que des communautés. Mais ce qu’il y a d’etonnant c’est qu’ils sont spontanés à leur milieu culturel. C’est à dire qu’il n’y a aucun lien entre eux. Riches, pauvres, cultivés, analphabètes, à la campagne, à la ville… Mais je constate qu’ils sont de plus en plus nombreux. Mon intuition est qu’il y a un véritable changement physiologique dans notre espèce. Dans le passé, ces changements ont eu lieu lors d’une découverte qui modifie profondément le comportement de l’espèce (maîtrise du feu par ex.) ou un stress biologique (changement de climat). Ils sont à la fois Darwiniens et Lamarckiens, progressifs et soudains. La pression qui s’exerce sur notre humanité est peut-être entrain de générer une modification biologique plus adaptée, une augmentation d’une partie de notre cerveau limbique, siège de notre empathie, qui entraîne du même coup un nouveau comportement : l’attention que l’on porte au vivant sous toutes ses formes.


8. En ce moment je m’intéresse aux dérives sectaires au Japon avec la secte d’Aum qui a organisé l’attaque au sarin du métro de Tokyo en 1995. Cette attaque montre comment une élite au sens de gens qui ont fait des études supérieures s’est tournée vers le fanatisme religieux pour surmonter un mal-être sociétal. Comment se prémunir de la récupération de la spiritualité par un groupe politique ou religieux ?

Là encore, le cerveau reptilien nous pousse à agir dans la compétition au lieu d’agir dans l’abondance. Nous avons n’avons jamais eu autant de confort, de richesses et pourtant, nous nous comportons de manière irrationnelle, comme si nous allions manquer de tout. Pour s’en prémunir, il suffit de se poser une simple question dans nos relations (sentimentales, religieuses, politiques, de travail…) « Est-ce qu’à travers cette relation je progresse dans l’amour que je me porte ? » Selon la réponse, la décision de poursuivre la relation ou de l’interrompre devient évidente.

Interview par Auda-sioux